Au sud de l’Est

Editions Non Lieu

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Au sud de l'Est 10

Au sud de l’Est 10

ISBN 978-2-35270-193-4

20 €
Sommaire

Éditorial (p. 9)
Semper eadem, par Jérôme Carassou.

Contexte : Le nomadisme dans les Balkans (p. 11)
Nomades et sédentaires : une longue cohabitation, par Alexandre Asanović.
Le nomadisme chez les Aroumains, par Thede Kahl.
Portrait de Nicolae Gheorghe en activiste rom et pourfendeur de la raison tsigane, par Nicolas Trifon.
Rom : Nomadisme ou Altérité fabriquée ?, par Olivier Peyroux.

Dossier : Entre traditions et modernité : la sculpture au sud de l’Est (p. 47)
Les artistes des Balkans dialoguent avec l’empereur Qin, par Pick Keobandith.
Todie et l’art théorique, par Cosmin Nasui.
Ivan Meštrović : d’un pays qui n’existait pas à un idéal qui n’existe plus, par Renaud Dorlhiac.
Les Totems ou Brindilles torsadées de Kirila Radovanović-Faëh, par Nina Živančević.
L’univers circulaire de Darko Karadjitch, par Nina Živančević.

Textes (p. 77)
L’Eau mystérieuse, de Ioanna Bourazopoulou ;
extraits traduits du grec par Stavroula Bellos.
Chronographies, de Ramona Fotiade ;
poèmes traduits du roumain et de l’anglais par l’auteure.

Regard (p. 95)
Tendre est l’ennui, d’Olivier Culmann.

Chroniques (p. 107)
Grammaire du bosniaque, croate, monténégrin et serbe, par Dragica Mugoša ; Entre mer Noire et Danube (Dobroudja 1855), par Nicolas Trifon ; Les Aroumains. Un peuple qui s’en va, par Dragica Mugoša ; Les Poésies de Francè Prešeren, par Dragica Mugoša.


Comité de rédaction

Alexandre Asanović, Stavroula Bellos, Jérôme Carassou, Renaud Dorlhiac, Bernard Lory, Dragica Mugoša, Cristina Passima, Alexandre Tchernookov, Nicolas Trifon, Nina živančević.


Éditorial
Par Jérôme Carassou

Semper eadem
Les clichés ont la peau dure. Alors que Diogène cherchait l’homme avec sa lanterne, de belles âmes assurent aujourd’hui avoir trouvé le nomade, éclairées qu’elles sont par l’obscurité de leurs fantasmes. Encore et toujours, le nomadisme supposé des Roms fascine les pseudo-scientifiques, les cinéastes redondants, les écrivaillons en quête d’exotisme bon marché, qui déclinent tous, se désole le sociologue Olivier Peyroux, « à l’infini l’histoire d’un peuple sans terre, aux origines indiennes, errant à travers notre continent sans autre but que de maintenir une culture ancestrale ». Or, comme l’écrit très bien le même Peyroux, ce nomadisme des Roms est une « altérité fabriquée », servant de repoussoir autant que d’exutoire aux peuples à l’identité nationale chancelante. Les Roms furent rarement, et de manière conjoncturelle, nomades ; mais il nous fallait un Autre à proximité, « de l’intérieur », pour nous rassurer sur notre mode de vie délétère. On lira donc avec intérêt le très beau portrait de Nicolae Gheorghe, militant de la cause rom en Roumanie, défenseur de l’égalité et pourfendeur des thèses essentialistes, de celles qui alimentent les clichés des littérateurs sur le Tsigane joueur de trompette et qui maintiennent les Roms réels dans les marges sous-développées des sociétés européennes.
Et pourtant, dans la péninsule balkanique, des nomades il y en eut. Longtemps ils cohabitèrent avec les sédentaires, nous rappelle Alexandre Asanović. Leur mode de vie s’est peu à peu transformé, à l’image des Aroumains, ce peuple qui s’en va, dont la sédentarisation, progressive depuis le XIVe siècle, fut accélérée par la créations d’États-nations cramponnés à leurs frontières. Les structures du nomadisme et du semi-nomadisme des Aroumains présentées par le géographe Thede Kahl appartiennent en partie au passé, mais la permanence de ce peuple dispersé aux quatre coins de l’Europe du Sud-Est nous interroge sur le présent multi-éthnique de la région autant que sur un possible dépassement du cadre étriqué des États-nation pour les sociétés humaines.
L’auteur de ces lignes aurait aimé vous parler en détail des sculpteurs contemporains du Sud-Est européen, de ceux qui dialoguent avec l’empereur Qin, de Cristian Todie et d’Ivan Meštrović, il aurait aimé vous présenter l’écrivaine grecque Ioanna Bouzaropoulou et la poétesse roumaine Ramona Fotiade, le photographe Olivier Culmann. Mais il n’en fera rien − heureusement, les articles sont là, comme autant de consolations. Il n’en fera rien car il y a quelques jours on a lynché Darius. La populace crasse de Seine-Saint-Denis, conditionnée par le matraquage des folliculaires, désinhibée par les discours racistes, haineux, d’une classe politique inepte, s’est arrogée le droit de se faire justice elle-même. Parce qu’il était rom, on s’est autorisé à tabasser un môme, à le torturer, au seul prétexte qu’on le suspectait de vol. Les clichés ont la peau dure... et peuvent avoir des conséquences funestes. On aimerait que les littérateurs s’en souviennent. Décidément, Nicolae, tu nous a quittés trop tôt. Semper eadem... sed non satiata.


132 pages, août 2014




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