Écrivain Juif né en Roumanie, Benjamin Fondane, déjà reconnu dans son pays, s’établit à Paris à l’âge de 25 ans. Poète, penseur, dramaturge et cinéaste, résolument « moderne » et attentif à l’avant-garde, il se tient néanmoins à distance des écoles et des doctrines, des mouvements politiques et littéraires et cherche sa voie propre, sa réponse personnelle aux questions intemporelles comme à celles posées par son époque.
Durant les années 1930 et 1940, Fondane dialogue avec les personnalités marquantes de son temps : Artaud, Bachelard, Camus, Cioran, pour n’en citer que quelques-uns. Déterminante est la rencontre avec le philosophe existentiel Léon Chestov dont il devient le disciple. Parmi ses amis artistes, Brancusi, Brauner, Man Ray nous ont laissé de lui des portraits étonnants.
Arrêté le 7 mars 1944, il est incarcéré à Drancy. Avec l’aide de Jean Paulhan, sa femme réussit à obtenir sa libération, mais Fondane refuse d’abandonner sa sœur Line, arrêtée en même temps que lui. Déporté vers Auschwitz, il est assassiné dans une chambre à gaz le 2 ou 3 octobre 1944.
Le Mémorial de la Shoah consacre, du 14 octobre 2009 au 31 janvier 2010, une exposition à l’œuvre injustement méconnue de Benjamin Fondane.
Le catalogue de l’exposition, réalisé en partenariat avec les Éditions Non Lieu, retrace le parcours intellectuel de cet émigrant sublime, dont l’apport à la pensée du XXe siècle eût pu être fondamental, s’il n’avait été broyé par la barbarie nazie.
L’œuvre de Benjamin Fondane est marquée par la multiplicité des formes d’expression : poésie (ses œuvres poétiques sont rassemblées sous le titre général : Le Mal des fantômes, Non Lieu/Verdier Poche, 2006), théâtre (Le Festin de Balthazar, Philoctète), philosophie (en particulier La Conscience malheureuse, 1936 ; rééd. Plasma, 1979), critique de cinéma (Écrits pour le cinéma, Non Lieu/Verdier Poche, 2007), réalisation cinématographique (Tararira, 1936), essais d’esthétique et de poétique (Faux Traité d’esthétique, 1938, rééd. Paris Méditerranée, 1998), essais sur la littérature (Baudelaire et l’expérience du gouffre, rééd. Complexe, 1994).
Polémiste redoutable, notamment dans ses "Chroniques de la philosophie vivante", qu’il publie aux Cahiers du Sud tout au long des années 1930, Fondane définit ses positions dans un espace agonistique de lutte et d’oppositions (Contre Hegel, Heidegger, Jean Wahl, Edmond Husserl, Paul Valéry, André Breton...). Il publie dans de nombreuses revues qui assurent la diffusion efficace de ses positions contre le surréalisme de Breton, contre la poétique de Paul Valéry, contre le discours autobiographique d’André Gide, contre le hégélianisme ou la phénoménologie husserlienne.
Cette polyvalence transdiscplinaire recouvre en réalité une remarquable cohérence philosophique de l’œuvre. Il écrivit la première partie de son œuvre poétique et critique, déjà considérable, en roumain, puis adopta le français à partir de 1924 après son arrivée à Paris. Si sa poésie roumaine se détache rapidement des influences symbolistes de sa jeunesse pour évoluer vers un style plus expressionniste, elle fut marquée par la traversée des avant-gardes, aux frontières du dadaïsme et du surréalisme, avant de se transformer en une poésie existentielle, chargée d’attester avec force l’errance du poète dans le flux perpétuel d’un monde naufragé, solidaire des émigrants juifs. La révolte ou l’irrésignation se trouve au cœur de cette œuvre, marquée par l’obsession du désastre d’une civilisation capable de transformer les individus en fantômes de l’histoire.
L’œuvre de Fondane, fortement imprégnée de la philosophie de la tragédie de Léon Chestov, exprime toujours une révolte contre la « finitude » humaine et une attestation véhémente de l’existence individuelle, menacée par la finitude, l’exil, le mépris, le rationalisme abstrait et déréalisant, la violence de l’histoire. Son combat contre un certain rationalisme destructeur, son refus de toute aliénation idéologique, morale, politique de la poésie, son cri en faveur d’un Dieu absent réclamé dans le désastre, rendent son œuvre particulièrement significative pour le lecteur contemporain.
Le Catalogue de l’exposition est disponible sur commande aux Éditions Non Lieu : 35 € (pour conditions particulières, nous contacter).
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